Qu’est-ce qu’un glacier ?

La définition donnée par le Trésor de la langue française, « amas de glace formé par l’accumulation d’épaisses couches de neige dont la masse est animée de mouvements lents », semble résumer l’essentiel : l’accumulation, la transformation et le mouvement.

Une définition plus complète peut être proposée : un glacier est un système pérenne à l’échelle humaine, stock d’eau solide (neige, névé, glace), qui se renouvelle continuellement, par le jeu combiné de l’accumulation (chutes de neige, neige apportée par le vent ou par les avalanches) et de l’ablation (fonte). Il s’écoule en permanence sous l’effet de son poids, des parties hautes, où l’accumulation l’emporte, vers les parties basses, où l’ablation domine.

De la neige à la glace

Glace et cristal à l’origine d’une confusion

Dans l’antiquité et au Moyen Age, le cristal de roche n’est que de l’eau congelée, amenée à une dureté extrême. Selon l’auteur latin Pline l’ancien, « c’est une forte congélation qui condense le cristal ; du moins ne le trouve-t-on que là où les neiges d’hiver sont les plus glacées, et il est certain que c’est une glace ». Cette notion restera admise jusqu’au XVIIe siècle, et ne contribuera certainement pas à la compréhension du phénomène glaciaire

Les grains de glace et le cristal de roche

En réalité, la neige est la matière première des glaciers. Elle s’accumule et se transforme en glace par un phénomène appelé diagenèse. Les gels et dégels successifs compactent et arrondissent assez vite les cristaux de neige initiaux tandis que l’air emprisonné en est peu à peu expulsé. De plus, l’eau de fonte descend vers les couches inférieures, contribuant ainsi à cette lente métamorphose de la neige (densité variant de 0,04 à 0,40, soit 40 à 400 kg/m3 de neige) en névé (densité de 0,5 à 0,7/ 1 m3 de névé), puis en grains de glace (densité de  0,84 à 0,90 / m3, soit 840 à 900 kg/m3 de glace).

Névé : ce mot franco-provençal a été introduit dans la littérature en 1840 par Louis Agassiz.

 

Bien sûr, les glaciers ne peuvent prendre naissance que dans les régions où, durant plusieurs années consécutives, la quantité de précipitations solides (neige, grêle, grésil) est supérieure à celle qui fond durant la période estivale.

L’observation de la Mer de Glace, traditionnellement glacier de référence, permet de comprendre les processus qui conduisent à la formation d’un glacier.

Zone d’accumulation et zone d’ablation

La zone d’accumulation

 

Le glacier du Géant est la zone d’alimentation de la Mer de Glace. À cette altitude, au-dessus de 3000 m, la plupart des précipitations ont lieu sous forme solide. À partir de juin, la neige commence à fondre : c’est la fusion estivale. L’eau de fonte percole à travers le manteau neigeux et le réchauffe, permettant ainsi d’évacuer le froid stocké au cours de l’hiver. La température de la neige est progressivement ramenée vers zéro degré et les cristaux de neige grossissent pour se transformer en névé, étape intermédiaire avant la transformation en glace.

À la fin de l’été, à 3500 m, au col du Midi, il reste en moyenne 6 m de névé ce qui représente une accumulation équivalente à 3 m d’eau. Pendant une dizaine d’années, les couches successives de névé se transforment progressivement sous le poids des couches supérieures, en devenant de plus en plus denses.

Le passage à la glace imperméable s’effectue en un seul été vers 30 m de profondeur, dans l’eau d’une nappe aquifère, qui s’accumule chaque été à partir de la fonte du névé de surface. Au col du Midi, sous les  30 m de névé, il y encore 150 m de glace avant d’atteindre le rocher (forage de 187 m, en juillet 1971, par le LGGE).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mesures d’accumulation au glacier de la Girose ©Louis-Reynaud

 

 

La zone d’ablation

Ligne d’équilibre glacière, au glacier du Géant et au Glacier de Trelaporte

Dans le glacier du Géant, la limite des neiges éternelles se situe vers 2900 m d’altitude à la fin de l’été. Cette limite, bien visible, est appelée ligne de névé. En aval de celle-ci, la glace nue apparaît : la fonte annuelle devient plus importante que l’accumulation.

L’altitude de cette ligne de névé varie avec l’exposition : sur les versants Nord, à l’abri des sommets, elle descend jusqu’à  2 800 m tandis que plein Sud, comme sur le Glacier de Talèfre, elle remonte vers 3200 m. Son altitude varie chaque année, en fonction des températures de la saison estivale.

Notion de ligne d’équilibre glaciaire ou ligne de névé

Quelle que soit la forme du glacier, celui-ci est composé de deux zones : la zone d’accumulation et la zone d’ablation, séparées par la ligne de névé (ou ligne d’équilibre glaciaire), que Franz Joseph Hugi fut le premier à repérer en tant qu’élément structurel. Cette distinction repose sur la notion de bilan glaciaire, qui comptabilise les entrées (chutes de neige) et les sorties (fonte et sublimation). La ligne d’équilibre glaciaire correspond à peu près à la limite inférieure du névé en fin de saison. Depuis le début de notre période interglaciaire, il y a 11 000 ans, elle a fluctué entre 2750 et 3400 m dans le massif du Mont-Blanc, remontant de près de 200 m depuis le milieu du XIXe siècle, pour se situer actuellement entre 2900 et 3200 m selon l’exposition.

La ligne d’équilibre glaciaire (LEG) est définie comme la section du glacier qui enregistre le maximum de débit de glace en une année ; elle représente la limite entre la zone d’accumulation et la zone d’ablation, le bilan de masse y est nul.

 

Le bilan de masse d’un glacier

Prélèvement d’une colonne de neige en zone d’accumulation© C. Vincent
Mesure de l’épaisseur du névé en fin d’été au glacier d’Argentière © C. Vincent

Le rapport entre la surface de la zone d’accumulation d’un glacier et sa surface totale détermine l’état de santé du glacier. Il est couramment admis que si les deux tiers de la surface du glacier se situent en zone d’accumulation, le glacier est en équilibre. Les mesures effectuées ces quinze dernières années dans les Alpes montrent que, en moyenne, seulement 30 à 40 % de la surface totale des glaciers alpins est située en zone d’accumulation : ces valeurs parlent d’elles mêmes, elles démontrent la tendance inéluctable à la baisse de volume des glaciers.

Le bilan de masse d’un glacier est établi chaque année. Il tient compte, d’une part, de la quantité de glace accumulée, exprimée en hauteur d’eau, provenant des chutes de neige, et d’autre part de la quantité de glace perdue, elle aussi exprimée en hauteur d’eau, et principalement due à la fonte estivale.

En zone d’accumulation, les mesures sont faites par pesée d’une carotte de neige subsistant à la fin de l’été. En aval, en zone d’ablation, la quantité de glace perdue est mesurée grâce aux balises implantées à 10 ou 15 m de profondeur avec une sonde à jet de vapeur. Ces balises constituent des jalons, on y relève non seulement l’ablation mais également les déplacements annuels du glacier.

Un bilan positif indique que la ligne d’équilibre s’abaisse et, par conséquent, que la masse du glacier augmente, ce qui se traduira après un laps de temps variable par une avancée du front du glacier. Un bilan négatif a pour conséquence un recul du front, là aussi avec un certain décalage temporel.

Le suivi des bilans de masse annuels constitue donc un indicateur fiable des modifications climatiques, là où l’historique de ses variations est disponible : c’est le cas depuis plus d’un demi-siècle pour la Mer de Glace et le glacier d’Argentière.

Le régime thermique du glacier : glacier tempéré et glacier froid

 

 

Exemple d’un glacier tempéré, le glacier de la Lée Blanche,

Il existe plusieurs catégories de glaciers dépendantes des températures de la glace, autrement dit du régime thermique. La température de la glace dépend de trois facteurs principaux, qui sont les échanges thermiques avec l’atmosphère, le flux géothermique (chaleur de la Terre) et  la pression de la glace sur le lit rocheux (friction). En fonction du régime thermique, on distingue trois catégories de glaciers :

Les glaciers tempérés ont une température partout proche du point de fusion : ces glaciers subissent une fonte assez importante pendant l’été, ce qui a pour conséquence de ramener leur température à celle de la fusion de la glace, (0°C en surface à la pression atmosphérique). Seuls la neige et le névé de surface sont à des températures négatives pendant l’hiver. Aux températures estivales plus élevées que subissent ces glaciers sont associées des températures hivernales moins froides, qui permettent de plus fortes précipitations. C’est le cas de la majorité des glaciers des Alpes en dessous de 3600 m d’altitude en versant Nord et 4100 m en versant Sud. La glace étant au point de fusion (présence d’eau de fonte à la base), ils glissent alors sous l’effet de leur propre poids.

 

 

 

 

 

 

Glacier froid : calotte glaciaire du sommet du Mont-Blanc, @Pascal Tournaire

Les glaciers froids ont une température située partout en dessous du point de fusion ; ils sont gelés à leur base (pas d’écoulements d’eau), donc collés à la roche. On les rencontre généralement au-dessus de 4 000 m d’altitude dans les Alpes ou parfois jusqu’à 3600 m dans les faces Nord à l’ombre (face Nord de l’Aiguille du Midi). Au sommet du Mont-Blanc, la température moyenne annuelle est de -16°C, la neige et la glace sont froides (-16°C) et collées à la roche, l’écoulement de la glace, inéluctable du fait de son poids, se produit par déformations internes.

Dans le massif du Mont-Blanc, l’étude de la calotte du Dôme du Goûter s’appuie sur des relevés de températures effectués en 1994 et en 2005, réalisés à l’aide de capteurs disposés au fond de forages profonds de 140 mètres. Les travaux du LGGE ont constaté « une augmentation de la température de 1 à 1,5 degré Celsius sur les 60 premiers mètres de glace » en 11 ans. « Ce résultat est le premier qui atteste un réchauffement atmosphérique à ces hautes altitudes », précise le glaciologue Christian Vincent.

Le glacier polythermal présente à la fois les deux caractéristiques selon son altitude ; c’est le cas du glacier des Bossons, descendant du sommet du Mont-Blanc. Sa température est négative jusque vers 3800 m d’altitude, puis, un peu en aval du Grand Plateau, le glacier devient tempéré.

 

 

 

Le Mont-Blanc et ses satellites : entre l’Aiguille du Midi et l’Aiguille du Goûter les sommets dépassent 4000 m d’altitude et sont occupés par des glaciers de type froids. Les glaciers des Bossons et de Taconnaz sont de type polythermiques © A. Amelot, S. Coutterand

 

Morphologie glaciaire … Les formes des glaciers !

Le glacier des Bossons : un glacier de versant
Le glacier des Bossons : un glacier de versant @François Amelot

 

 

Les formes du relief déterminent une grande variété de morphologies glaciaires.

Les glaciers de vallée : ils représentent l’image la plus classique du glacier. Bien souvent, la langue glaciaire est formée par la réunion de courants glaciaires issus de différents cirques. C’est ce qui se produit à la confluence du glacier du Tacul et du glacier de Leschaux, dont la réunion forme la Mer de glace. C’est également le cas du plus grand glacier des Alpes, le glacier d’Altesch (22 km de long).

Les glaciers de versant : dans bien des cas, l’accumulation en altitude s’évacue par une langue glaciaire de versant. Les glaciers des Bossons et de Taconnaz, dans le massif du Mont-Blanc en sont d’excellents exemples.

Le glacier de cirque : c’est un glacier qui occupe la totalité d’un cirque sans en déborder. Par exemple, le glacier du Ruan dans le massif du Haut Chablais.

 

 

 

 

 

12.  Le glacier du Ruan (Haut Giffre) occupe un petit cirque glaciaire © CNM
Le glacier du Ruan (Haut Giffre) occupe un petit cirque glaciaire © CNM

Glaciers suspendus ou glaciers en « Van » s’installent sur des parois rocheuses dont la pente, l’altitude et l’exposition permettent à la glace d’y demeurer (il s’agit donc de glaciers froids) ; ils alimentent, par avalanches ou chutes de séracs (phénomène de vêlage), le bassin glaciaire inférieur. Les faces nord de l’aiguille de Bionnassay et de l’Aiguille Verte (couloir Cordier) en sont bien représentatifs.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Glaciers de calotte : les calottes glaciaires s’installent sur un sommet dont la topographie est suffisamment douce, et d’altitude assez élevée pour y permettre l’accumulation neigeuse. L’écoulement se fait alors de tous côtés.
Glaciers de calotte : les calottes glaciaires s’installent sur un sommet dont la topographie est suffisamment douce, et d’altitude assez élevée pour y permettre l’accumulation neigeuse. L’écoulement se fait alors de tous côtés @Marc Letot

 

 

Dans le massif du Mont-Blanc, les principales calottes se localisent au somment du Mont-Blanc et au  Dôme du Goûter.

14.   Calottes sommitales du Mont Blanc et du Dôme du Goûter © P. Tournaire
Calottes sommitales du Mont Blanc et du Dôme du Goûter © P. Tournaire

 

 

Un glacier rocheux en Valais (Suisse) © F Amelot
Un glacier rocheux en Valais (Suisse) © F Amelot

 

Glaciers rocheux : le phénomène est complexe, et on en distingue trois variétés. Les glaciers rocheux « actifs » contiennent une glace interne, invisible, et se déplacent lentement vers l’aval, de quelques centimètres à un mètre par an ; les glaciers-rocheux « inactifs » contiennent encore de la glace, mais sont immobiles. Quant aux glaciers rocheux « fossiles », ils conservent la morphologie externe mais ne présentent plus de glace et ne se déplacent pas non plus. Ces formations sont courantes dans les Alpes du Sud et dans le Valais suisse.

La surface des glaciers

Les dépôts présents à la surface des glaciers  proviennent pour la plupart de l’érosion des versants montagneux les dominant. Ils sont progressivement intégrés dans le névé puis dans la glace. Ils réapparaissent en surface en zone d’ablation, en raison de la fonte estivale du glacier.

Glaciers noirs, glaciers blancs

Si la couverture de débris recouvre la plus grande partie d’une langue glaciaire, il s’agit d’un « glacier noir ». Le glacier du Miage sur le versant oriental du massif du Mont-Blanc illustre bien ce type de glacier.

La décrue actuelle des langues glaciaires favorise l’apparition de glaciers noirs. La Mer de Glace qui était d’une blancheur éclatante jusqu’au milieu du XIXe siècle, se transforme progressivement en glacier noir.

Exemple de glacier noir, la langue terminale du glacier de l’Unteraar (Alpes Bernoises)
Exemple de glacier noir, la langue terminale du glacier de l’Unteraar (Alpes Bernoises)

Les moraines centrales ou médianes

Lorsque deux langues glaciaires issues de bassins différents se rejoignent, les deux courants de glace se juxtaposent en profondeur et les moraines latérales se rejoignent en surface, formant une moraine centrale, appelée moraine médiane. Le plus grand glacier des Alpes, celui d’Aletsch présente plusieurs moraines médianes issues de la confluence de trois principaux appareils glaciaires.

Moraines centrales ou médianes sur le glacier d’Aletsch, le plus grand glacier des Alpes
Moraines centrales ou médianes sur le glacier d’Aletsch, le plus grand glacier des Alpes
Schéma montrant la formation des moraines médianes
Schéma montrant la formation des moraines médianes

Ces dépôts de surface ont bien souvent un effet protecteur dès que leur épaisseur dépasse quelques cm et sont à l’origine de formes peu courantes.

Dirt cone sur le glacier de Leschaux
Dirt cone sur le glacier de Leschaux

Les dirt-cones, ou cônes de poussières : si l’absorption de la chaleur, et donc la fonte, est favorisée par une mince couche de dépôts fins, elle peut être totalement annulée par une couche plus épaisse, à partir de quelques centimètres, qui fait office d’isolant, préservant alors de la fonte la surface du glacier. Ainsi se forment les dirt-cones. Une dépression de la glace recueille poussières et cailloux ; puis la fonte abaisse le niveau de la glace dans la périphérie, tandis que, protégé par son couvert, le dirt-cone s’exhausse peu à peu.

 

Les tables glaciaires illustrent un autre exemple de fonte différentielle. Ces blocs rocheux servent de « pare-soleil » à leur socle de glace ; le bloc la protège de l’ablation estivale alors que la glace découverte fond rapidement tout autour, et bientôt celui-ci se trouve perché au sommet d’un piédestal de glace. Ces blocs sont connus sous le nom de tables de glaciers, qui finissent toujours par s’écrouler.

 

Table glaciaire sur le glacier d’Altesch
Table glaciaire sur le glacier d’Altesch

La vie dans les glaciers

On aurait tort de croire qu’un glacier est un univers purement minéral, sans vie : au contraire, le glacier abrite des organismes étonnants !

La « neige rouge » est attribuée à des algues unicellulaires comme Protococcus nivalis.

Neige rouge sur le glacier de Talèfre
Neige rouge sur le glacier de Talèfre

Les « trous à cryoconite »  sont de petites cavités cylindriques et verticales en surface des glaciers, remplis d’une poussière noirâtre qui, absorbant la chaleur du soleil, favorise le creusement. La cryoconite est formée de déchets minéraux, mais elle recèle aussi toute une vie végétale et animale.

Trou à cryoconite

 

La puce des glaciers découverte au XIXe siècle est baptisée Desoria nivalis en l’honneur d’Édouard Desor qui l’a découverte ; c’est un collembole – un insecte primitif sans ailes ni yeux – que l’on trouve dans les névés jusqu’à 3800 mètres d’altitude, et qui se nourrit de poussières et de pollens transportés par le vent.

Les tardigrades sont les plus étonnants de ces hôtes du glacier. Ils peuvent résister à un froid absolu aussi bien qu’à de très hautes températures, et supportent aussi bien les radiations que le vide. On les rencontre au Groenland et dans les glaciers Alpins.

Puce des glaciers" Desoria" et Tardigrade © A. Zryd
Puce des glaciers » Desoria » et Tardigrade © A. Zryd

Le glacier : produit de consommation !

Grottes de glace

Au Montenvers comme au glacier des Bossons, l’idée de faire monter les touristes sur le glacier a débuté avec les premiers voyageurs, puis, rapidement, le projet de faire pénétrer les touristes à l’intérieur même du glacier s’est imposé à la fin du XIXe siècle.

Ainsi sont apparues les grottes de glace, univers féérique recreusé chaque année en raison du déplacement du glacier. La première voit le jour en 1863 au front du glacier des Bois, à proximité des sources de l’Arveyron. L’existence de cette première grotte artificielle a longtemps été mise en doute, cependant l’étude des archives de Chamonix par Yves Abraham confirme son exploitation. Elle est vite abandonnée en raison du recul rapide du glacier des Bois qui perd 800 m en une décennie.  Par la suite, en 1872, la municipalité de Chamonix accorde une concession pour l’exploitation d’une grotte au glacier des Bossons ; à la même époque, en Suisse, la grotte de glace du glacier du Rhône voit le jour. La grotte de la Mer de Glace, elle, ouvre au public en 1947.

L’unique photo de la grotte de glace du glacier des Bois en 1863. En arrière plan, la montagne de la Côte © Y. Abraham
L’unique photo de la grotte de glace du glacier des Bois en 1863. En arrière plan, la montagne de la Côte © Y. Abraham
La  grotte de glace de la Mer de Glace creusée à l’initiative de Jean Marie Claret en 1947© J.F. Hagenmuller
La  grotte de glace de la Mer de Glace creusée à l’initiative de Jean Marie Claret en 1947 © J.F. Hagenmuller

Industrie de la glace

Exploitation de la glace au Bossons © JHV
Exploitation de la glace au Bossons © JHV

L’exploitation de la glace à partir du front de certains glaciers a débuté dans les Alpes françaises en réponse aux demandes croissantes des hôtels de luxe. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les premières exploitations ont lieu au glacier du Trient (Suisse), d’Argentière et des Bossons dans le massif du Mont-Blanc, de Gébroulaz en Vanoise. Le glacier suisse de Saleina est exploité de manière plus ou moins régulière de 1863 à 1914. Ainsi, 867 tonnes de glace sont extraites entre 1866 et 1869 : la glace est transportée par char jusqu’à Martigny, puis transbordée dans le train.  À Trient, elle est acheminée jusqu’au col de la Forclaz par une voie ferrée étroite.

Au glacier des Bossons, près de Chamonix, la glace est débitée à l’explosif. Puis, à l’aide de haches et de scies spéciales, les ouvriers façonnent des blocs qui parviennent directement au village par une longue glissière en bois, appelée « rise ».

Quelle que soit la destination, la glace recouverte de sciure est placée à l’intérieur de caissons en bois, qui gagnent ensuite par charrette ou camion des bourgades comme Megève, Sallanches et Albertville. Le train est également utilisé pour les longues destinations : Annecy, Genève et même Paris !

La Première Guerre Mondiale puis l’arrivée des premiers réfrigérateurs  mettent un terme à ce fructueux commerce de la glace.

 

 

L’utilité des eaux sous glaciaires : des réservoirs d’eau pour l’hydroélectricité

Les glaciers sont aujourd’hui les principaux fournisseurs d’eau pour la production d’énergie hydroélectrique dans les Alpes. En Suisse, 30,7 % de l’électricité dépend de l’alimentation des glaciers, en particulier valaisans. Le complexe d’Émosson SA (Franco-suisse) en est un exemple.

En France, la première prise d’eau sous glaciaire a été inaugurée en 1943 au glacier de Tré-la-Tête. Mais la plupart des installations hydroélectriques ont pris naissance entre la fin des années 1950 et le début des années 1970, une période caractérisée par la reprise d’une crue des glaciers.

Aujourd’hui, les eaux de fonte de huit glaciers du massif du Mont-Blanc alimentent la production électrique.

Les glaciers du Mont-Blanc dans la guerre

Les espaces englacés n’ont pas échappé aux guerres. Dans le massif du Mont-Blanc, les montagnards, guides entre autres, devenus résistants affrontent l’occupant. Durant l’hiver 1944-45, Allemands et Français, installés au refuge Torino et au col du Midi, se sont observés de part et d’autre de la Vallée Blanche. En février Chamonix est déjà libéré, mais en altitude les troupes allemandes tiennent encore l’accès au val d’Aoste. Dans un froid polaire, se déroule le combat le plus haut de la Seconde Guerre mondiale. Les Français l’emportent malgré le désavantage du nombre. En mars, un canon de 75 mm est acheminé au col du Midi afin de détruire le téléphérique du versant italien du col du Géant. Ce sera le dernier combat dans le massif du Mont-Blanc.