Le quaternaire de la Planète

Depuis 3 Millions d’années, le climat oscille continuellement, entre périodes glaciaires et interglaciaires. Avant l’apparition de l’homme, le volume des glaces, légèrement plus faible que l’actuel, ne variait que lentement. Puis le volume des glaciers a commencé à osciller rapidement au cours du temps entre un minimum, proche de l’état actuel (calottes groenlandaise et Antarctique), et un maximum, où le volume des glaces est triple. Les variations de composition isotopique des carbonates marins traduisent celles du volume de l’océan, le niveau des mers serait monté et descendu de 50 à 60 m (à raison de plusieurs millimètres par an) à chaque formation ou disparition de calottes de glace sept à huit fois plus importantes que l’inlandsis groenlandais actuel. Entre – 2 et – 1 Ma, époque qui a vu l’évolution des Homo habilis et des pithécanthropes, on dénombre environ vingt-cinq périodes glaciaires et interglaciaires, soit une périodicité de l’ordre de 40 000 ans. Il y a un million d’années, le rythme change : la période passe de 40 000 à 1 00 000 ans et l’amplitude devient deux fois plus grande. Le niveau des mers s’abaisse de 100 à 130 m (phénomène appelé glacio-eustatisme) et, à leur extension maximale, les inlandsis atteignent New York, Londres, Berlin et les glaciers des Alpes s’avancent jusqu’à Lyon. Le dernier cycle glaciaire est le mieux connu. Il y a 130 000 ans, alors que I’homme de Neandertal arrive en Europe, les conditions climatiques étaient comparables aux conditions actuelles, voire plus clémentes. Assez régulièrement, malgré des périodes de recul, le volume des glaces a augmenté pour atteindre un premier maximum il y a environ 60 000 ans, puis un dernier voici 20 000 ans, à l’époque de l’homme de Cro-Magnon. Dans les hautes latitudes de l’hémisphère nord,  les inlandsis  recouvrent de deux à trois milles mètres de glace l’Amérique du nord et une grande partie de l’Europe du nord.

 A la recherche de la glace la plus ancienne sur Terre

Glace ancienne

L’englacement würmien de l’hémisphère nord

Au maximum de la dernière glaciation, c’est près de 50 Millions de km3 de glace qui étaient stockés dans les inlandsis de l’hémisphère nord comprenant  plusieurs  volumineuses calottes glaciaires qui se sont ajoutés à la calotte du Groenland, permanente tout le long du Pléistocène.

 

Equivalences des glaciations, Amérique du nord, Europe et Alpes
Equivalences des glaciations, Amérique du nord, Europe et Alpes

 

Carte du dernier maximum glaciaire de la planète
Carte du dernier maximum glaciaire de la planète

 

L’inlandsis laurentien

C’est la glaciation appelée « Wisconsin » en Amérique du nord, le LGM (Last glacial maximum) à l’échelle de la planète. C’est l’équivalent de la glaciation du Weichsel en Europe du nord et du Würm dans les Alpes.

L’inlandsis principal, (après l’Antarctique) l’Inlandsis laurentien, se localise sur une grande partie de l’Amérique du nord.  Il se subdivise en trois « ices dômes ». Au nord-est. L’épaisseur de l’ice-cape, proche de 5000 m, est centrée au sud de la baie d’Hudson.

Le Laurentien est le plus vaste de l’hémisphère nord, fusionnant avec ceux plus petits de l’île d’Ellesmère et de l’île de Baffin, il oblitère la totalité du Canada oriental. Vers le sud, il s’ouvre un passage au cœur des actuels états de l’Illinois, de l’Indiana et de l’Ohio, surcreusant  l’emplacement des actuels grands lacs. Sur le flanc ouest, des lobes secondaires rejoignent l’inlandsis des Cordillères qui s’écoule depuis les rocheuses canadiennes pour recouvrir une partie de l’Alaska, une partie du Canada occidental et les états de Washington, de l’Idaho et du Montana. Pendant de longues périodes, ces nappes de glace n’ont pas été en contact, si bien que le peuplement de l’Amérique à partir de l’Asie a pu se faire pendant les périodes glaciaires, lorsque le détroit de Béring était à sec. L’inlandsis Groënlandais grossit d’un tiers, se soude à celui de l’île d’Ellesmere, l’Islande est alors entièrement recouverte par les glaces.

Calotte glaciaire de la Laurentide au LGM
Calotte glaciaire de la Laurentide au LGM

 

Strie glaciaire et cannelures à Central Park (New York)
Strie glaciaire et cannelures à Central Park (New York)

 

Formation de roches moutonnées
Formation de roches moutonnées

 

Evolution de la calotte glaciaire eurasienne (d’après Vincent Peyaud, 2006)

La glace apparaît vers 116 ka BP en Amérique du nord pour n’en disparaître qu’ à la fin de la glaciation. A cette époque, l’intensification des tempêtes océaniques est très marquée sur la côte Atlantique (Ruddiman and McIntyre, 1979). Le niveau des mers chute rapidement jusqu’`a – 40 m vers 110 ka BP. Il faut probablement imputer une contribution majeure à la Laurentide.

Des évidences de glaciation sont observées dans l’arctique canadien et au sud de la Baie d’Hudson (Andrews et al., 1983). Boulton and Clark (1990) interprètent ces traces comme un complexe de glace à deux dômes initiés sur le nord de Baffin Island ou au nord est de Keewatin, et sur le Labrador.

Un dôme se développe à partir de 30 ka BP sur le Keewatin et l’Alberta, Dyke et al. (2002). Les rocheuses s’englacent peu après, et une calotte centrée sur la Colombie Britannique s’étend jusqu’aux côtes (à l’Ouest) et la Laurentide (à l’Est) jusqu’à 15 ka BP.

Une large fraction de la Laurentide atteint son extension maximum plusieurs milliers d’années avant le LGM (19 à 22 cal ka BP; Mix et al., 2001) et la majorité de la calotte reste en place bien après le LGM (Dyke et al., 2002). La contribution maximale de la calotte à la dépression glacio-eustatique est estimée, à partir du rebond isostatique, à  -60 -75 m (Tarasov and Peltier , 2004).

Stade  isotopique 11

Il y 400.000 ans, durant le stade isotopique marin 11, la Terre connait un interglaciaire long, qui amena  a une déglaciation massive du Groenland et de l’Antarctique de l’Ouest (Droxler et al., 2003). Les paramètres orbitaux étant proches de ceux d’aujourd’hui, cet interglaciaire est souvent considèré comme un des meilleurs analogues de l’époque actuelle.

Le Stade Isotopique 6 : la glaciation du Saalian

L’avant dernière période glaciaire, appelée Saalian en Eurasie, atteint son maximum il y a plus de 140 000 ans. La calotte eurasienne couvre alors une large partie de l’Europe de l’Est, de la Russie et de la Sibérie correspondant pratiquement  à l’extension quaternaire maximale dans ces régions (Svendsen et al., 2004). Le refroidissement associé au développement de cette calotte devait être bien plus important qu’au LGM.

Reconstruction de la calotte Eurasienne au Saalien (il y a 140.000 ans). L'extension maximum durant le quaternaire est figuré par les pointillés verts       (programme QUEEN, Svendsen et al., 2004)
Reconstruction de la calotte Eurasienne au Saalien (il y a 140.000 ans). L’extension maximum durant le quaternaire est figuré par les pointillés verts (programme QUEEN, Svendsen et al., 2004)

 

Le dernier cycle glaciaire : stade Isotopique 4 et 2

Une grande calotte de glace se développe après 90 ka BP. Cette calotte couvre tous les plateaux continentaux de Barents et de Kara et s’étend à l’Est jusqu’à la péninsule du Taimir et bien au sud des côtes actuelles de la Sibérie Occidentale. Elle rejoint une calotte s’étendant sur les plateaux du Purotana. Au Sud d’immenses lacs remplissent la dépression isostatique créée par les calottes (qui en outre barre l’écoulement des fleuves vers le nord). Ces lacs ont tempéré les étés sibériens et réduit la fonte des calottes accentuant la glaciation (Krinner et al., 2004). Ces lacs disparaissent vers 80 ka BP, quand les calottes laissent à nouveau passer les fleuves. La glaciation est plus limitée à l’Ouest où seuls les reliefs Scandinaves sont englacés.

Reconstruction de la calotte Eurasienne il y a 90 000 ans (programme QUEEN), cette calotte a barré les rivières sibériennes et d’immenses lacs pro-glacaires sont apparus (Mangerud et al., 2004).
Reconstruction de la calotte Eurasienne il y a 90 000 ans (programme QUEEN), cette calotte a barré les rivières sibériennes et d’immenses lacs pro-glacaires sont apparus (Mangerud et al., 2004).

 

Stade Isotopique 4 : l’entrée en glaciation

Les calottes avancent rapidement en Scandinavie et sur les mers de Barents et de Kara. Cette avancée est moins importante que la précédente vers l’est ; par contre la calotte scandinave grossit considérablement et s’´etend depuis le sud de la Norvège (centre de masse), (Kleman et al., 1997) sur la Baltique et la Finlande. Selon Mangerud (2004), un puissant ice stream se développe probablement dans la fosse norvégienne, une longue tranchée située entre la mer du Nord et la côte sud de la Novège.

Reconstruction de la calotte Eurasienne il y a 60 000 ans par le programme QUEEN, (Svendsen et al., 2004).
Reconstruction de la calotte Eurasienne il y a 60 000 ans par le programme QUEEN, (Svendsen et al., 2004).

 

Stade Isotopique 2 : dernier Maximum Glaciaire

La dernière phase d’extension commence après 29 ka BP. La Calotte scandinave présente une étendue maximale vers 22 ka BP, centrée sur le golfe de Botnie. Selon Kleman and Hättestrand (1999) la base est froide sur le golfe de Botnie, ainsi qu’en Suède et en Laponie jusqu’`a la péninsule de Kola. La calotte s’étend jusqu’au talus continental vers l’Ouest, sur L’Europe du Nord et les plaines russes et couvre la mer Blanche. Les calottes scandinave et britannique se rejoignent probablement jusqu’à 23 ka BP. Selon Mangerud, (2004), un petit dôme apparaîtrait en Mer du Nord, séparée de la Scandinavie par un ice stream longeant les côtes norvégiennes dans la « fosse norvégienne »  Une calotte s’étend sur la Mer de Barents centrée à l’Est du Svalbard.. Son extension est plus limitée vers l’Est et ne couvre qu’une partie de la Mer de Kara ((Svendsen et al., 2004). Les indices géodynamiques (reconstructions isostatiques) donnent une épaisseur supérieure à  3000 m (Lambeck, 1995, 1996).

Reconstruction de la calotte Eurasienne au dernier maximum glaciaire (programme QUEEN)
Reconstruction de la calotte Eurasienne au dernier maximum glaciaire (programme QUEEN)

 

L'inlandsis de la Fenoscandie il y a 22 000 BP, la dépression glacio-eustatique est de 120 - 130 m
L’inlandsis de la Fenoscandie il y a 22 000 BP, la dépression glacio-eustatique est de 120 – 130 m

 

L’Europe au LGM

L’inlandsis fennoscandien correspond à un grand inlandsis sur l’Eurasie septentrionale. Celui-ci est continu de l’Irlande septentrionale à la Sibérie du nord. Elle est issue de la coalescence de trois calottes :

– l’une est située au Nord de la Sibérie (hauteur de l’ice-cape : 2 100 m) ;

– la seconde est axée sur la Finlande (hauteur de l’ice-cape : 2 500 m) ;

– la troisième, plus modeste, est centrée sur les Highlands d’Écosse (hauteur de l’ice-cape : 1 700 m).

En Europe du nord, l’inlandsis se déploie depuis le fond du Golf de Bothnie, en Scandinavie ; vers le sud-est, il atteint le site de Moscou, recouvre le site du Danemark, le nord de l’Allemagne et de la Pologne. Il fusionne ponctuellement, en mer du Nord, avec l’inlandsis moins vaste des Highlands écossais, des monts d’Angleterre septentrionale, du Pays de Galles et de l’Irlande.

Les calottes plus modestes

Hormis les trois inlandsis précités, on peut adjoindre des calottes glaciaires plus modestes, correspondant le plus souvent à des massifs montagneux.

L’Extrême-Orient Russe 

De nombreuses calottes locales affectent cet ensemble à topographie mouvementée. Les bordures de la mer d’Okhotsk (Kamchatka) font partie de cette zone.

L’Alaska septentrional 

Cette région est affectée de plusieurs calottes indépendantes de l’inlandsis laurentien.
L’Islande : l’ensemble de l’Islande est recouvert par une petite calotte glaciaire, qui culmine à  1 700 m.

Le résultat d’un tel stockage de glace fut un  abaissement du niveau des océans, (processus désigné par « glacio-eustatisme ») d’environ 130 m qui élargit certaines plaines côtières de 400 km : le golfe Persique fut asséché,  l’Adriatique très amoindrie, laissant le site de Venise à 240 km à l’intérieur des terres ; la côte du golfe du Lion se situait à 200 km des rivages actuels. Au Nord, la Manche n’existait plus transformée en une vaste plaine parcourue par les troupeaux de mammouths. Au nord de l’Europe et de l’Amérique du Nord les inlandsis nous ont laissés de spectaculaires cicatrices ; ils creusèrent de vastes cuvettes dans lesquelles se nichent actuellement de profonds lacs. Au Sud du lac Ontario, l’inlandsis de la Laurentides  tailla un éventail de onze cuvettes qu’on appelle aujourd’hui les Finger Lakes.  Les « icestreaem » issus des calottes glaciaires ouvraient et approfondissaient les vallées. En Norvège la calotte glaciaire décapita  les monts du littoral et surcreusa bien en dessous du niveau de la mer des fjords qui atteignent 1 200 m de profondeur.    

La déglaciation

Très rapidement, en moins de 10 000 ans, toute cette glace disparaît. La déglaciation se réalise en deux temps : assez lentement (de -18 000 à -15 000 ans), le quart des glaces fond; puis la fusion s’accélère il y a 14 000 ans, et, en dépit d’un dernier coup de froid et d’une réavancée des glaciers de montagne il y a environ 12 000 ans, les dernières traces de calottes glaciaires américaine et européenne disparaissent il y a 7 000 ans. Cette déglaciation est un phénomène extrêmement brutal ; à certaines époques, le niveau des mers est monté de un à deux mètres par siècle. La calotte nord-américaine semble s’être en partie disloquée sous forme d’icebergs et, dans certaines régions, le front du glacier a parfois reculé de plusieurs kilomètres par an.

Les étapes de retrait de la calotte glaciaire Laurentide