La Mer de Glace

Histoire de la Mer de Glace

La Mer de Glace : généralités 

Avec 350 km2 de glaciers, la France vient au dernier rang des pays alpins. Elle possède cependant le glacier le plus célèbre des Alpes, sinon du monde : la Mer de Glace, au cœur du massif du Mont-Blanc. Depuis sa « découverte » en 1741 par quelques Anglais, c’est le modèle même sur lequel ont été lentement perçus et imaginés tous les autres. C’est aussi, depuis le début du tourisme alpestre, la principale attraction de la vallée de Chamonix et celle qui a fait son succès. On peut y voir le type même du glacier de vallée réunissant les émissaires de plusieurs cirques glaciaires, et on peut y observer aisément la plupart des morphologies classiques du glacier : moraines, séracs, bandes de Forbes, bédières et moulins. C’est aussi l’un des premiers glaciers étudiés scientifiquement, et l’un de ceux dont l’histoire est la mieux documentée. La Mer de glace a même servi de décor ou d’argument à des romans comme Frankenstein de Mary Shelley, à des pièces de théâtre comme Le voyage de Monsieur Perrichon d’Eugène Labiche, et même à un opéra (Mer de glace, de Richard Meale, 1991).

Le complexe glaciaire le plus vaste des Alpes françaises se classe par la surface, avec une superficie de 30 km2, au troisième rang des glaciers alpins. En revanche, sa longueur actuelle (11 km depuis le fond de la combe Maudite) le place seulement à la cinquième place, derrière Aletsch, Gorner, Fiesch et Unteraar.

Vue d’ensemble Mer de Glace et glacier du Géant © JF Hagenmuller
Vue d’ensemble Mer de Glace et glacier du Géant © JF Hagenmuller

Le bassin d’alimentation, large d’une dizaine de kilomètres, prend naissance sur les hauts sommets de la crête frontière avec l’Italie. Il est constitué de plusieurs glaciers convergents : le glacier du Géant, y compris la Vallée Blanche et le glacier des Périades, issu de l’aiguille du Géant ; les glaciers d’Envers du Plan et d’Envers de Blaitière ; le glacier de Leschaux. Quant au glacier de Talèfre, dont le vaste bassin est divisé en deux lobes inégaux par la cloison du Jardin de Talèfre, sa confluence avec la Mer de glace, via les séracs de Talèfre, n’est plus active depuis 1945. Selon son cours, la Mer de glace prend différents noms. Son bassin supérieur principal est la Vallée blanche ; après les séracs du Géant, elle devient le glacier du Tacul, remarquable par les vagues et surtout les ogives, alternativement blanches et sombres (bandes de Forbes) qui zèbrent sa surface. C’est là que l’épaisseur du glacier est la plus importante, atteignant plus de 400 mètres. La Mer de glace proprement dite naît à l’aval de la confluence Leschaux-Géant ; sa longue langue s’étire, légèrement sinueuse, sur près de quatre kilomètres entre deux puissantes moraines latérales hautes de 100 à 200 mètres. Elle est encadrée par de petits glaciers qui ne la rejoignent plus : en rive droite, les glaciers du Moine, de la Charpoua, des Drus, du Nant Blanc (le plus vaste) et des Grands Montets ; en rive gauche, les glaciers de cirque plus réduits de Trélaporte et de la Thendia.

Les glaciologues Mougin et Vallot y ont distingué deux courants juxtaposés et plus ou moins caractéristiques des zones amont qui les alimentent : en rive droite, recouverte de moraines issues des promontoires rocheux de la Noire, de l’aiguille du Tacul et de l’aiguille de Leschaux, la « veine noire » ; en rive gauche, prolongement du glacier du Géant, la « veine blanche ». En somme, la Mer de glace provient de la confluence d’un glacier blanc et d’un glacier noir, comme devaient le faire autrefois le glacier Blanc et le glacier Noir du massif des Écrins. Aujourd’hui, la forte décrue glaciaire, associée au ralentissement de la vitesse du glacier, provoque une forte augmentation de la couverture détritique.

Le glacier se termine en biseau à l’amont immédiat de la gorge du Chapeau où se précipite l’Arveyron, son torrent émissaire. À la sortie de la gorge, dans la vallée de Chamonix, l’Arveyron prend une direction sud-ouest qui est celle de l’ancienne langue terminale, qui se nommait le glacier des Bois. Au XVIIe siècle, la Mer de glace venait mourir dans la plaine des Praz, et les séracs du glacier des Bois, partie visible depuis Chamonix du complexe glaciaire, n’étaient pas le moindre ornement de la vallée. La voûte de glace, précise Joseph Vallot, cessa de se former en 1872-1873.

Les bandes de Forbes

Ces bandes portent le nom de Forbes qui, pour la première fois en 1845, cartographia le glacier (carte de Forbes) et expliqua la présence de ces « chevrons ». visibles à la surface du glacier. On peut les distinguer facilement lorsqu’on prend un peu de hauteur au dessus de la gare supérieure du Montenvers. Ce sont des ogives alternativement claires et sombres, de forme parabolique, qui s’étendent à l’aval de la chute de séracs du Géant sur une distance de 5 km environ. Elles disparaissent vers les Echelets. Ces ogives se forment dans la chute de séracs du Géant. La vitesse de l’écoulement du glacier dans cette région est très importante (jusqu’à 800 m par an) et la chute de séracs est parcourue en un an. L’épaisseur du glacier dans la zone de séracs est faible (probablement inférieure à 60 m).

Carte de Forbes 1842
Carte de Forbes 1842

En hiver, les crevasses des séracs du Géant se remplissent de neige. Cette neige se transforme en glace blanche et bulleuse. C’est l’origine des bandes blanches. En été, au contraire, les crevasses sont largement ouvertes et exposées à l’accumulation de poussières apportées par le vent et l’eau de fonte qui regèle au fond des crevasses. C’est cette glace sombre, plus sale, qui formera plus à l’aval une bande sombre.

Une fois que la glace a parcouru la chute de séracs (la glace est en étirement), le glacier ralentit considérablement (la glace est en compression).Ainsi, un peu à l’aval de la « La Salle à manger », la vitesse d’écoulement est d’environ 200 m/an. Pour conserver les débits de glace, l’épaisseur du glacier augmente et atteint environ 350 à 400 m au centre du glacier du Tacul. Les bandes claires et sombres des séracs du Géant suivent ce mouvement du glacier et s’étirent ainsi considérablement dans le sens vertical. En outre, étant donné que la vitesse au centre du glacier est beaucoup plus importante que sur les bords, ces bandes vont prendre l’aspect d’ogives de plus en plus étirées en allant vers le bas. La fonte de plus en plus marquée vers l’aval va aussi transformer ces ogives qui vont devenir de plus en plus sombres et de plus en plus larges. D’année en année, une nouvelle alternance d’ogives claires et sombres va se former. Ainsi, ces chevrons constituent une datation naturelle de la glace à partir de la chute de séracs.

Formation des bandes de Forbes
Formation des bandes de Forbes

La Mer de Glace : les origines

Que sait-on aujourd’hui des glaciers alpins avant le Quaternaire ? Fort peu de choses en réalité. Cependant, le refroidissement amorcé au Pliocène moyen (3,5 Ma) a sans doute favorisé l’installation des premiers appareils glaciaires dans le massif du Mont-Blanc. C’est ainsi que la Mer de glace primitive s’est installée dans un talweg préexistant, d’origine tectonique et fluviatile. 

Quelle était la situation au Pays du Mont-Blanc et notamment dans le bassin de la Mer de glace pendant le dernier cycle glaciaire ?

Le massif du Mont-Blanc et la Mer de Glace au Pléistocène récent

Les problèmes de reconstitution du dernier maximum glaciaire en zone d’accumulation

Actuellement, le  Massif du Mont Blanc est encore très englacé et présente une surface d’environ 170 km2 répartie à travers 101 glaciers (Vivian, 1979). Cependant, cette configuration était différente lors des périodes froides du Quaternaire, car les glaciers occupaient toutes les vallées et débordaient alors jusque sur les piémonts. Deux complexes morainiques (Penck et Bruckner, 1909) sont reconnus à la périphérie de la chaîne alpine en particulier dans la zone N-W des Alpes, depuis le Sud de Grenoble jusqu’au Nord du Jura, sur environ 400 km (Bourdier, 1962 ; Monjuvent, 1978 ; Campy et Arn, 1991 ; Mandier, 1984 ). Le Complexe des Moraines Externes (CME), dont l’extension est la plus grande vers l’ouest et le nord-ouest, atteint le rebord occidental du Jura et la région lyonnaise, où la glace recouvrait la région de la Dombes entre Bourg-en-Bresse et Lyon. Ces formations sont attribuées aux glaciations du Pléistocène moyen (« Mindel, Riss » s.l.). Puis, en retrait de 10 à 40 km du précédent, on reconnaît le Complexe des Moraines Internes (CMI), attribué à la dernière glaciation (« Würm » s.l.).

Carte paléogéographique des Alpes nord-occidentales au dernier maximum glaciaire du Pléistocène récent ; cadre rouge : région du massif du Mont-Blanc.
Carte paléogéographique des Alpes nord-occidentales au dernier maximum glaciaire du Pléistocène récent ; cadre rouge : région du massif du Mont-Blanc.

A partir de ce cadre paléogéographique, il est possible de reconstituer les limites occupées par les glaciers durant les dernières périodes glaciaires. Globalement, les méthodes utilisées sont essentiellement basées sur une cartographie des dépôts glaciaires. En effet, les moraines frontales déposées correspondent à l’extension maximale. Dans de rares cas, la présence de moraines latérales préservées sur les flancs des grandes vallées – i.e. vallée de l’Isère (Monjuvent, 1978, Coutterand, 2010) – permettent une reconstitution paléogéographique du profil topographique de quelques grands appareils. Ces méthodes, appliquées aux zones d’ablation, ne précisent pas ou peu l’épaisseur de glace dans les zones d’accumulation. Afin de donner une estimation de ces épaisseurs, Monjuvent (1978) a utilisé un modèle issu d’une équation d’équilibre de la glace (Nye, 1951). Cependant, cette méthode est difficilement applicable aux grands glaciers de vallées, ces derniers étant fortement influencés par  la  topographie  (succession de verrous, ombilics…) et la dynamique des confluences. Ainsi, afin de définir au mieux l’épaisseur de glace dans les zones d’accumulation, une autre méthode basée sur la cartographie et l’interprétation des formes d’érosion glaciaire a été appliquée avec succès dans les Alpes suisses et le massif du Mont-Blanc (Penck et Bruckner, 1909 ; Florineth, 1998 ; Kelly et al, 2004 ; Coutterand et Buoncristiani, 2006). La reconstitution de la surface d’englacement maximale atteinte sur la région du massif du Mont-Blanc s’attache tout particulièrement au bassin de la Mer de Glace.

Cadre géologique, implications géomorphologiques

Le massif du Mont-Blanc est majoritairement constitué de granites, mais également de roches métamorphiques. Le granite du Mont-Blanc se caractérise par une texture grenue porphyroïde. Les  caractéristiques lithologiques des roches endogènes du massif du MB ont fortement influencé l’héritage géomorphologique du dernier maximum glaciaire (DMG). En effet, ces roches résistantes ont permis une bonne préservation du modelé d’érosion glaciaire.

Méthode de reconstitution et âge de la surface glaciaire

La méthode utilisée consiste à cartographier les formes d’érosion glaciaire et à interpréter les processus responsables de leur mise en œuvre. L’érosion glaciaire représente la somme de plusieurs processus (abrasion, délogement, eaux de fontes) ; leurs jeux conjoints vont permettre de définir un modelé d’érosion glaciaire caractéristique (Agassiz, 1838). Néanmoins, la morphologie et la préservation de ce modelé d’érosion glaciaire dépendent de la lithologie du substrat, de sa structure, mais également de la nature des processus d’altération. Dans de nombreux cas, ces morphologies d’érosion glaciaire sont bien caractéristiques et facilement interprétables. Suivant l’échelle considérée, on distinguera les micros-formes d’érosion : stries, cannelures…, (Laverdière et Guimont, 1980) et les mégas-formes d’érosion : vallées en auge, roches moutonnées, « trimlines »…, (Benn et Evans, 1998).

Sur la zone étudiée, la surface maximale d’englacement est mal documentée par les micro-formes car elles disparaissent très rapidement par altération et érosion mécanique (Campy et Macaire, 2003). Ainsi, le modelé glaciaire caractérisant le mieux  la surface recherchée sera constitué par des mégas-formes telles que les roches moutonnées.

L’action érosive d’un glacier (tempéré, i. e. au point de fusion) imprime un modelé caractéristique qui se différencie de celui des zones non recouvertes par la glace. Afin de définir la surface maximale d’englacement, on utilisera la limite supérieure de ce modelé glaciaire. Cette limite appelée « trimline », initialement identifiée sous le vocable  de « schliffgrenze » par Penck et Bruckner (1909), a été redéfinie par Thorp (1981) comme la zone de transition entre la partie inférieure d’un versant affectée par les processus d’érosion glaciaire et la partie supérieure de ce versant présentant une forte rugosité (crêtes acérées et couloirs d’éboulisation) soumise aux processus d’érosion atmosphérique (cryoclastie, thermoclastie…) . Souvent bien visible dans le paysage, elle s’étend sur une dénivelée de quelques dizaines de mètres. Cette limite s’exprime de façon très nette sur les roches endogènes du bassin de la Mer de Glace.

 

 

Versant est des Aiguilles de Chamonix (Tête de Trélaporte). 
Versant est des Aiguilles de Chamonix (Tête de Trélaporte). 
Différence de modelé illustrant les deux processus d’érosion                                                                   1 – atmosphérique (cryoclastie) ;        2 – processus d’érosion glaciaire (roches moutonnées).

 

 

L’Age des « trimlines »

La morphogenèse d’une chaîne de montagnes résulte principalement de l’action conjointe d’un ensemble de processus d’érosion mécanique et chimique. On observe majoritairement des processus liés à la décompression post-glaciaire où les versants vont subir un rééquilibrage dû à la disparition de la glace. Des phénomènes de cryoclastie et thermoclastie des versants entrent également en jeu.

Les trimlines ainsi cartographiées montrent toutes un modelé identique, mais également une très bonne préservation des formes d’érosion glaciaire contrastant avec les formes d’érosion périglaciaire.

A partir des données de terrain et des différents travaux, une approche quantitative de des processus d’altération du modelé glaciaire sur le massif du MB peut être proposée : soit une valeur minimale de 4 mm/ka (Coutterand et Buoncristiani, 2006). Cependant, l’altitude, l’orientation des versants et la couverture nivale sont des paramètres agissant directement sur les valeurs d’érosion ; ainsi certains auteurs proposent des valeurs moyennes de 10 mm / ka (Press et Siever, 1986 ; Einsele G., 1992 ; Bierman et al., 1995). En utilisant cette valeur, une ablation moyenne minimale du modelé glaciaire de 0,25 m est proposée depuis le stade isotopique 2 (MIS 2, ~ 25 000 BP), puis de 0,60 m depuis le MIS 4, ~ 60 000 BP) et finalement de 1,70 m depuis le MIS 6 (Pléniglaciaire ~ 170 000 BP). Ces différentes approches soulignent la rapidité de l’altération du modelé d’origine glaciaire.

Un autre argument permettant d’estimer l’âge des trimlines est d’ordre paléogéographique. La cartographie des dépôts révèle que les extensions glaciaires sur le piémont du complexe Rhône-Arve-Isère ont été voisines pour les trois derniers épisodes glaciaires (Mandier, 1984 ; Monjuvent, 1978). En effet, une distance d’environ 10 à 15 kilomètres sépare les fronts morainiques des MIS 4 et  MIS 6 (Mandier, 1984), attribués respectivement à la dernière et à l’avant-dernière glaciation. Compte tenu de cette proximité, les surfaces des glaciers des trois derniers stades isotopiques froids présentaient des altitudes similaires dans les zones amont, à quelques mètres ou dizaines de mètres près (Lliboutry, 1965 ; Monjuvent, 1978). Par conséquent, les mêmes surfaces d’érosion ont été reprises par les glaciers du Pléistocène récent et moyen (MIS 2, 4, et 6).

Le croisement de ces deux approches permet d’attribuer un âge récent à la formation des trimlines ; contemporain du DMG (Florineth et Schüchter, 1998 ; Coutterand et Buoncristiani, 2006).

Héritage géomorphologique, implications paléogéographiques dans le massif du Mont-Blanc

La cartographie des trimlines, correspondant aux confluences des paléo-glaciers issus du massif du Mont-Blanc avec le glacier principal de la vallée de l’Arve, permet de définir les altitudes de la surface du glacier occupant la vallée de Chamonix (Vallot, 1924). La diffluence des Glaciers du Tour et d’Argentière par les Cols des Montets, des Posettes et de Balme a été postulée par de nombreux auteurs (De Martonne, 1931; Corbin et Oulianof, 1929 et 1931, Kelly et al., 2004 ; Coutterand et Buoncristiani, 2005). Elle est confirmée par la présence de stries au sommet de la montagne des Posettes (2200 m). Ces deux appareils alimentaient alors le Glacier du Rhône par les Vallées de l’Eau Noire et du Trient dès que leur surface dépassait 1600 m d’altitude sur les flancs de la vallée de l’Arve. L’interprétation est reprise par De Martonne (1931), qui, sans doute influencé par l’axe d’écoulement de la Mer de Glace, envisage également la diffluence d’une partie de ce vaste bassin glaciaire vers le glacier du Rhône.

Reconstitution paléogéographique

La cartographie de toutes les trimlines du massif du Mont-Blanc a permis de réaliser une base de données de 72 points documentant la paléo-surface glaciaire. Puis, à partir de cette base de données et en utilisant une méthode d’interpolation (type « krigeage »), la paléo-surface est reconstituée et géoréférencée. Enfin, à l’aide d’un traitement sous Système d’Information Géographique, un croisement entre la topographie actuelle (STRM 90) et la paléo-surface würmienne a été réalisé afin d’obtenir une reconstitution paléogéographique de la zone étudiée.

Cette reconstitution souligne une surface des glaciers dépassant souvent l’altitude de 2400 m dans la périphérie du massif du Mont-Blanc et permettant aux écoulements de s’affranchir des contraintes de la topographie. Cinq principales zones d’accumulation sont mises en évidence : la haute vallée de l’Arve (altitude 2400 m), le haut Val Montjoie, (altitude 2400 m), le haut Val Ferret italien (altitude 2800 m), le haut Val Veni, (altitude 2850 m), (Porter S.C. & Orombelli G., 1982) et la haute Vallée des Glaciers, (altitude 2800 m). Dans le bassin de la Mer de Glace, l’altitude atteinte par les processus d’érosion glaciaire est bien documentée par les trimlines cartographiées en rive droite et en rive gauche :

– 2700 m à la Tête du Couvercle,

– 2600 m à la Tête de Trélaporte,

– 2500 m aux Frêtes des Charmoz.

 

 

Ces altitudes représentent une surface minimale à laquelle il faut ajouter une certaine épaisseur de glace et de névé d’environ 100 m (Beaudevin, 2001). Une reconstitution de la surface Pléniglaciaire est proposée : depuis l’altitude de 3000 m au niveau des séracs du Géant (fig. 5), la surface du glacier atteignait 2750 m au niveau de la confluence avec le glacier de Leschaud, 2650 – 2700 m sur la Tête de Trélaporte, 2450 – 2500 m au débouché du flux glaciaire dans la vallée de Chamonix. De ce fait, deux diffluences du glacier par les cols Cornu et du Brévent peuvent être envisagées (Coutterand, 2010).

 

Régime thermique de la Mer de Glace au LGM

Une réflexion menée avec des glaciologues du LGGE (non publié) envisage la présence de glaciers froids sur les hauts-reliefs alpins au LGM. En effet, considérant les valeurs d’abaissement des températures (Guiot, 1990 ; Pons et al., 1992) et l’altitude moyenne de la ligne d’équilibre glaciaire (LEG) au DMG de 1300 m (Coutterand, 2010), le régime thermique des glaciers était de type froid dans la partie centrale des zones d’accumulation. C’est notamment le cas aujourd’hui au-dessus de 4000 m. Dans cette hypothèse, les glaciers étaient de type froid donc collés au substrat au-dessus de 2300 – 2500 m d’altitude. Cependant, la morphogenèse des trimlines est due à l’écoulement de glaciers de type tempéré (glissement du glacier sur le substratum, base à la température de fusion). Deux schémas illustrant l’évolution du régime thermique des glaciers sont ainsi proposés. On peut alors envisager que les trimlines (2450 à 2700 d’altitude dans le basin de la mer de glace) ont été façonnées en périodes anaglaciaires, et plus vraisemblablement en périodes cataglaciaires lors de la remontée des températures et de la LEG.

Au paroxysme du LGM, la Mer de Glace était un glacier froid, non érosif. Ainsi, l’altitude atteinte par la surface du glacier reste très hypothétique ; elle pourrait être bien supérieure à celle des trimlines cartographiées dans la partie supérieure de l’auge glaciaire.

  

(1) : glacier polythermique : en altitude la glace est collée au substratum (T° < 0°C), pas d’érosion des trimlines, Des cisaillements se mettent en place entre la glace mobile du glacier principal (Bennett, 2003) et la glace collée au substrat. Le flux de froid qui  refroidit la masse du glacier (flèches blanches) dépend de la température de l’air et surtout de l'accumulation de la neige en surface. Le flux géothermique s’y oppose (flèches rouges) ; la glace devient tempérée à la base et la fusion apparaît. (2) : évolution en glacier tempéré en fin de période froide avec contact érosif glace/roche, genèse et/ou reprise des trimlines héritées du précédent épisode glaciaire.
(1) : glacier polythermique : en altitude la glace est collée au substratum (T° < 0°C), pas d’érosion des trimlines, Des cisaillements se mettent en place entre la glace mobile du glacier principal (Bennett, 2003) et la glace collée au substrat. Le flux de froid qui  refroidit la masse du glacier (flèches blanches) dépend de la température de l’air et surtout de l’accumulation de la neige en surface. Le flux géothermique s’y oppose (flèches rouges) ; la glace devient tempérée à la base et la fusion apparaît.
(2) : évolution en glacier tempéré en fin de période froide avec contact érosif glace/roche, genèse et/ou reprise des trimlines héritées du précédent épisode glaciaire.

       

La Mer de Glace pendant le Tardiglaciaire

Après le dernier maximum glaciaire, période durant laquelle les glaciers étaient  totalement anastomosés à l’intérieur du massif Alpin, le réseau glaciaire se scinde et les grands appareils s’individualisent dans leurs vallées respectives. Le Tardiglaciaire correspond à une période de fonte progressive entrecoupée de stades de progression et de stationnement des langues glaciaires. Le glacier de la vallée de l’Arve a laissé des traces sous la forme de vallums morainiques parfois volumineux, notamment près de la Roche-sur-Foron, au Fayet et à Chamonix.

Le Tardiglaciaire ancien

Il y a 16 000 ans, le glacier de l’Arve stationne au Fayet, (corrélé avec le stade de Gschnitz des Alpes orientales) puis, la langue glaciaire se retire dans la vallée de Chamonix vers 14 500 BP. C’est au niveau du verrou cristallin des Houches que l’on rencontre un stade de retrait. La moraine du Clot (1120 m),  située au-dessus de la gare SNCF des Houches, témoigne de l’extension du glacier à ce stade (Dorthe-Monachon, 1986). La vallée de Chamonix présente encore l’aspect d’un glacier de vallée ; tous les appareils du massif du Mont-Blanc sont jointifs. L’analyse pétrographique de la moraine du Clot montre une importante accumulation de granite du Mont Blanc et l’absence de matériaux provenant des Aiguilles Rouges. Les appareils de la rive droite étaient donc déconnectés du glacier dont le flux principal était constitué par les apports de la Mer de Glace.

Le Dryas récent, dernier sursaut de la glaciation

Il y a 14 000 ans, les interstades chauds du Bølling et de l’Allerød portent un coup fatal aux derniers glaciers würmiens. Ils sont suivis, il y a 12 000 ans, d’un net et brutal refroidissement, le Dryas récent, qui sert de limite aux temps quaternaires. Il tire son nom d’une plante de la famille des Rosacées, Dryas octopetala, caractéristique de la toundra.

Evolution des températures estivales et de la limite supérieure des forêts (timberline) depuis 14 000 ans
Evolution des températures estivales et de la limite supérieure des forêts (timberline) depuis 14 000 ans

Ce refroidissement brutal, l’Egesen dans les Alpes orientales, fait progresser les langues glaciaires de plusieurs kilomètres ; toutes les hautes vallées en portent les traces. Les moraines frontales et latéro-frontales de cette période sont généralement situées quelques kilomètres en aval des moraines du Petit Âge glaciaire.

Dans la vallée de Chamonix, le front de la Mer de Glace pénètre jusqu’au centre de Chamonix. En amont, le glacier d’Argentière, rejoignant le glacier des Bois, dépose les reliefs glacio-lacustres et morainiques de la Joux et du Lavancher, alors que le glacier du Tour édifie les moraines du Planet et de Tré-le-champ.

Le « Stade de Chamonix » de la Mer de Glace

Il a été défini initialement comme « Stade de Chamonix » par Mayr (1969). Ce complexe est matérialisé par deux moraines frontales et latéro-frontales :

La moraine du Casino de Chamonix : dissimulée en plein centre-ville de Chamonix (parc du Casino), elle se caractérise comme un lambeau de moraine frontale édifiée par la Mer de Glace. Haut de 5 à 6 mètres sur sa face interne ; l’ensemble culmine à 1040 mètres. Ce relief représente la partie sommitale de la moraine frontale qui est en grande partie enfouie dans le comblement glacio-lacustre puis lacustre du paléo-lac de l’ombilic de Chamonix.

La moraine des Tissourds correspond au maximum d’extension de cette période. Située environ 800 m en aval de la moraine frontale du Casino, en rive gauche de l’Arve, elle est en partie dissimulée par les dépôts d’un important cône d’avalanche issu du Plan de l’Aiguille (Lucena, 1998).

Le relief du Lavancher correspond à la moraine latérale droite de la Mer de Glace peu avant sa confluence avec le glacier d’Argentière.

Les moraines latérales du complexe de Chamonix ne sont plus visibles actuellement en rive droite (Mayr, 1969 ; Dorthe-Monachon, 1986 ; Wetter, 1987) du fait de l’urbanisation. Elles se localisaient au sud du quartier des Plans où Conard (1931) signale « deux petites crêtes parallèles ».

En rive gauche, on observe, au niveau du Biollay, trois cordons distincts aux altitudes respectives de 1091 m, 1062 m et 1057 m (Lucena, 1998).

Dans le talweg encore occupé par le glacier, quelques indices géomorphologiques peuvent être mentionnés. Le plus en amont correspond à un cordon morainique situé au pied de l’escarpement de la Tête de Trélaporte (2200 m), souligné par le chemin du refuge d’Envers des Aiguilles. En aval, en rive gauche, le Grand hôtel du Montenvers est construit sur une moraine latérale à volumineux blocs erratiques de granite ; il est prolongé vers 1800 m d’altitude par deux cordons morainiques incurvés vers Chamonix. La carte paléogéographique restitue au mieux le contour du glacier. La récurrence la Mer de glace au Dryas récent s’est déroulée en milieu lacustre, le complexe glaciaire les Bossons / Taconnaz/ scindant le paléolac en deux parties.

 

La Mer de Glace pendant Les temps post-glaciaires, l’Holocène

La période holocène, qui a débuté vers 11 700 Cal BP, a été marquée par une variabilité climatique faible ; l’amplitude thermique n’y aurait en effet pas dépassé 2°C. Suite à une déglaciation très rapide, les glaciers acquièrent une taille « moderne » dès le début de l’Holocène. La découverte de bois subfossiles aux fronts de glaciers des Alpes centrales et orientales actuellement en retrait montre en effet que des arbres parfois centenaires avaient colonisé à cette époque des espaces qui ne sont aujourd’hui déglacés que depuis quelques années, voire encore sous la glace. Les retraits paroxysmaux ont eu lieu lors de l’optimum climatique holocène (entre 7 500 et 6 500 cal BP), période la plus chaude de ces   10 000 dernières années (Nicolussi et Patzelt, 2001 ; Schlüchter et Joerin, 2004 ; Joerin et al, 2008). Dans la dernière partie de l’Holocène, en réponse notamment à la baisse de l’activité solaire, les épisodes climatiques froids se sont multipliés et les fronts des glaciers ont réavancé. Cette période dite Néo-glaciaire commence dans les Alpes entre 4 000 et 3 000 ans Cal BP (Ivy-Ochs et al, 2009) et comprend plusieurs épisodes froids, dont le plus récent, le Petit Âge Glaciaire (PAG).

A la faveur de la décrue glaciaire des dernières décennies, de nombreux débris de bois ainsi que des échantillons de tourbe ont été  découverts dans la marge proglaciaire immédiate. Ces découvertes suggèrent que des tourbières et des forêts ont prospéré jadis à l’emplacement des glaciers actuels, ce qui n’est possible que s’ils se sont retirés en amont…. Les moraines argileuses dans lesquelles sont le plus souvent enchâssés les troncs d’arbres constituent des milieux anaérobies remarquables où la décomposition est partiellement ou totalement stoppée.

Ainsi, dans la haute vallée de l’Arve, entre le village du Tour et l’alpage de Charamillon, une souche de mélèze comptant 650 cernes, découverte à 1500 m d’altitude, près des sources de l’Arve, accuse un âge de près de 7000 ans, époque où prospérait en ce lieu une forêt. Il en est de même en Valais, sur la marge proglaciaire du glacier du Mont-Miné, où des troncs atteignant jusqu’à 1 m de diamètre, vieux de quelque 6800 ans, ont été rejetés récemment.

L’ensemble des résultats de datation met en évidence pas moins de dix périodes pendant lesquelles les glaciers étaient moins étendus que maintenant. La phase de retrait maximale aurait eu lieu entre 9000 et 6800 ans avant aujourd’hui, période qui constituerait donc l’optimum climatique holocène (s.s.) ; de nombreux glaciers alpins avaient alors disparu. On note un autre optimum climatique à l’âge du Bronze, vers 1200 av. J.-C. Le suivant se situe au début de notre ère, il  correspond à la période romaine. Pendant ces périodes, « les langues glaciaires s’arrêtaient à une altitude supérieure d’au moins trois cents mètres à l’actuelle » (Schlüchter et Joerin, 2004).

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Le « stade des Praz » de la Mer de Glace

Ce stade a été suggéré par Mayr (1969). Quelques témoins géomorphologiques permettent de reconstituer le contour du glacier. On identifie en rive gauche le replat d’origine morainique à proximité du fameux bloc erratique de la Pierre d’Orthaz. Au « fond des Tines » un  » bourrage » morainique à  volumineux blocs erratiques constitue un relief incisé par l’Arve.

Du point de vue chronologique, cet épisode pourrait appartenir à « l’évènement 8200 » identifié et daté dans les Alpes orientales (Kerschner, Ivy-Ochs et al. 2006, 2008). Ce stade pourrait être contemporain du stade de la moraine des Iles du Glacier d’Argentière (Lucena, 1998).

Paléogéographie de l’extension de la Mer de Glace au stade des Praz.
Paléogéographie de l’extension de la Mer de Glace au stade des Praz.

Reconstitution des fluctuations néo-glaciaires de la Mer de Glace

Les moraines latérales bâties lors d’avancées glaciaires successives, qui tapissent les versants de la Mer de Glace,  sont les secteurs les plus propices à l’étude des fluctuations glaciaires holocènes ; elles atteignent 150 à 200 m de hauteur. Elles permettent d’étudier la période antérieure au PAG car la mise au jour du flanc interne des moraines latérales lors des retraits glaciaires révèle des niveaux qui contiennent des débris organiques.

Ces niveaux organiques résultent de la colonisation végétale de la crête de la moraine lors des phases de retrait glaciaire, avec formation d’un sol, combinée à l’accumulation d‘arbres morts. La datation des troncs conservés dans ces horizons organiques renseigne sur l’âge et la durée des phases de retrait glaciaire.

La méthode la plus anciennement utilisée est la datation au Carbone 14 (14C), mais sa précision (+/- 100 ans) est trop faible pour établir des chronologies à haute résolution. Depuis une trentaine d’années, la dendrochronologie, méthode plus performante, a été appliquée à l’étude des fluctuations glaciaires (Holzhauser, 1984 ; Luckman, 1998 ; Le Roy et al, 2009).

A la suite des travaux précurseurs du Zurichois Wolfgang Wetter (Wetter, 1987), les travaux récents de Melaine Leroy apportent des éléments nouveaux sur les fluctuations de la Mer de Glace pour la période néo-glaciaire. En effet, l’étude dendroglaciologique est basée sur l’échantillonnage des bois subfossiles présents dans la moraine latérale droite de la Mer de Glace. Les bois récoltés (presque exclusivement des pins Cembro) vont de simples fragments à des troncs de plusieurs mètres de long.

Moraine latérale droite de la Mer de Glace. A gauche : le sol médiéval localisé 10-12 m sous la crête de la moraine. A droite : prélèvement d’un tronc de pin cembro.
Moraine latérale droite de la Mer de Glace. A gauche : le sol médiéval localisé 10-12 m sous la crête de la moraine. A droite : prélèvement d’un tronc de pin cembro.

Les bois les plus anciens retrouvés à la Mer de Glace sont morts il y a plus de 3 600 ans. De ce fait, la première avancée glaciaire dont on trouve la trace dans la moraine latérale droite s’est produite il y a environ  3 500 ans.

Sept avancées glaciaires majeures ont pu être identifiées durant les 4 000 dernières années : après 3500 BP, vers 2700 BP, vers 1 500 BP, et dans la seconde moitié du 14 e siècle, Elles sont suivies par les trois maxima historiques de la seconde moitié du PAG : 1644, 1825 et 1852 (cf. § 3).

Les fragments de bois échantillonnés dans un lit tourbeux, 11 – 12 m sous la crête de la moraine latérale droite, ont donné un âge maximum de 1352 BP pour l’avancée qui a enfoui le tronc. Cette première avancée de la Mer de Glace au PAG a donc eu lieu dans la seconde moitié du 14e siècle et correspond à l’un des principaux maxima du PAG et de l’Holocène.

Ces résultats sont concordants avec les chronologies glaciaires établies dans le reste des Alpes pour la seconde moitié de l’Holocène, à savoir des épisodes glaciaires d’amplitude et de fréquence croissantes qui culminent lors de trois avancées paroxysmales du PAG (Nicolussi et Patzelt, 2001 ; Holzhauser et al, 2005).

Où se situait le front de la Mer de Glace pendant les optimums climatiques de l’Holocène ?  Une approche climatique et glaciologique a été menée ; elle prend en considération les travaux des chercheurs de l’Université de Berne (Schlüchter et Joerin, 2004) qui font état des découvertes de la région du glacier de l’Aar. Elles témoignent d’un climat continental (conditions plus sèches que celles qui y règnent actuellement), confirmées par la présence de certaines espèces de coléoptères dans les échantillons de tourbe. Elle tient compte également des travaux du laboratoire EDYTEM (Leroy et al. 2009) et de la courbe d’évolution des paléo-températures  et des fluctuations de la timberline durant l’Holocène (Magny, 2002). Ainsi, il est possible de suggérer une position de la langue terminale de la Mer de Glace à l’Age du Bronze.

Reconstitution de la langue terminale de la Mer de Glace à l’Âge du Bronze. La langue glaciaire aurait été en retrait de près de 2 km par rapport au front de 2011 (pointillés bleus).
Reconstitution de la langue terminale de la Mer de Glace à l’Âge du Bronze. La langue glaciaire aurait été en retrait de près de 2 km par rapport au front de 2011 (pointillés bleus).

Les différentes positions des niveaux organiques et les bois datés dans la moraine latérale droite de la mer de Glace suggèrent qu’au cours de l’Holocène l’épaisseur du glacier face au Montenvers n’a jamais atteint le niveau du PAG. A chaque crue de la période néo-glaciaire, la surface du glacier stationnait en dessous du niveau de la moraine de 1890 (située 45 m en contrebas de la moraine de 1825 -1852). Lors de la crue de 1890,  la langue terminale ressortait à peine des gorges de l’Arveyron, ce qui suggère qu’antérieurement à la période romaine, la langue terminale du glacier n’a jamais atteint la Côte du Piget.

Il est traditionnellement admis que la Côte du Piget correspond à une puissante accumulation morainique déposée par la mer de Glace au cours des pulsations holocènes. En réalité, ce relief est principalement constitué d’une épine rocheuse (calcaire du Lias appartenant à la zone pincée de Chamonix) qui affleure jusqu’à  1150 m d’altitude au-dessus du village des Bois.

La couverture morainique, dont l’épaisseur estimée varie de 5 à 25 m, représente une position vraiment paroxysmale du glacier des Bois, donc principalement d’âge PAG.

Force est de constater que l’image traditionnelle d’une chaîne alpine continuellement englacée depuis la fin de la dernière glaciation est à relativiser. Les premières études des glaciers au cours de la crue du Petit Âge Glaciaire a alimenté une image traditionnelle de glaciers plus vastes qu’aujourd’hui. Mais, selon les chercheurs de l’Université de Berne (Schlüchter, 2009) « les glaciers alpins ont été moins étendus que maintenant durant plus de la moitié de ces dix derniers millénaires ! ».

La Mer de Glace pendant Le petit Âge Glaciaire

Le toponyme de « Petit Âge glaciaire », adopté pour un épisode climatique récent et d’abord étudié dans les Alpes, est pourtant né en Amérique. Au début du xxe siècle, le topographe américain d’origine hollandaise François Émile Matthes (1874-1948), de l’U.S. Geological Survey, étudia en profondeur le relief glaciaire de la Sierra Nevada, qui a creusé la splendide vallée du Yosemite. Matthes s’intéressa aux petits glaciers encore existants dans la haute Sierra. En contrebas de ceux-ci, il identifia une série régulière de moraines bien conservées, et manifestement récentes. Il baptisa cet épisode Little Ice Age, « Petit Âge glaciaire » que les glaciologues abrègent en PAG. Mais c’est pour cette dernière extension glaciaire, de la fin du xvie siècle au milieu du xixe siècle, qu’Emmanuel Le Roy Ladurie a adopté en 1967 l’expression « Petit Âge glaciaire ».

A la mer de Glace, aucun indice géomorphologique ne témoigne de la première grande crue du début du PAG. Cependant, l’identification d’un sol et sa datation (12e – 14e siècle), réalisés par Melaine le Roy (laboratoire EDYTEM), démontre l’exhaussement d’une douzaine de mètres des moraines latérales du glacier depuis l’optimum médiéval.

Quand aux grandes crues du glacier des Bois du début XVIIe siècle, elles sont bien documentées par les archives locales. À ce titre, l’évolution historique et la disparition des hameaux du Châtelard et de Bonanay sont pleines d’enseignements.

Destruction des hameaux du Châtelard et de Bonanay

A l’époque de la mise en place des deux hameaux, le glacier devait être suffisamment en retrait pour ne pas constituer une menace ; il a pu avancer plus tard jusqu’à leur proximité sans leur causer de dommages. Selon Le Roy Ladurie (1967) qui a  recueilli de nombreuses archives, le Châtelard existe probablement depuis 1289 et est attesté depuis 1384.

Pour la période allant de 1384 à 1640, l’existence du Châtelard est confirmée, le rendement de sa dîme ayant toujours été le plus important. En 1570, on a encore acheté des propriétés au Châtelard : les acheteurs ne semblent pas avoir été inquiétés par la proximité du glacier, ce qui suggère une activité glaciaire plutôt faible. La situation s’est rapidement détériorée vers 1600 : beaucoup de dégâts sont signalés pour les terres cultivées. S’appuyant sur un rapport de Nicolas de Crans (commissaire de la Chambre des Comptes de Savoie), Le Roy Ladurie démontre le début d’une importante crue glaciaire en 1600, qui culmine en 1610. Laissons parler à ce sujet Nicolas de Crans, commissaire député de la Chambre des Comptes, enquêteur à Ghamonix, sur plaintes des habitants, en 1610. Evoquant les «exploits» du glacier (probablement ceux de 1600 – 1601), il écrit: « .Vous avonsrecogneu les ruynés que tes glassiers et rivière «Arve ont faict au terroir dud Chamonyx en plusieurs endroictz mesme le glacier appelé des Bois (mer de Glace) quapporte eîfroig et espovente-ment aux regardants, lequel a ruyné une bonne partie du terroir et village entièrement du Chastellard, et emporté tout à faict ung aultre petit village appelé Bonnenuict ».Jusqu’en 1600, il y a toujours des signes de vie au Châtelard, mais la première catastrophe s’y produit probablement en 1601, avec la destruction partielle du hameau par l’avancée du glacier.

Lors d’un second voyage dans la vallée de Chamonix, Nicolas de Crans visite à nouveau le Châtelard en 1616 et en découvre les ruines : « seules six maisons délaissées par leurs propriétaires étaient encore debout, menacées par le glacier…dans lesquelles des habitants vivaient encore dans une grande pauvreté ». Il mentionne « deux lobes du glacier », ce qui signifie un débordement partiel sur la Côte du Piget.

Le hameau de Bonanay, installé en 1458, a connu une destruction similaire. Ayant atteint une douzaine de maisons, il semblait en sécurité jusqu’à l’avancée du glacier des Bois qui déborde la Côte du Piget en 1600. Selon le Roy Ladurie, en 1591, personne ne semble s’inquiéter de la présence du glacier qui domine déjà la Côte du Piget. Le village disparaît totalement en 1643 ; seul subsiste aujourd’hui dans le cadastre le toponyme « forêt de Bonanay ».

La forte crue du glacier des Bois signalée d’août 1641 au printemps 1642 (Le Roy Ladurie, 1967) fait craindre qu’elle ne barre l’Arve et provoque des inondations désastreuses.

Ainsi, vers 1640, les paysans de Chamonix implorent l’aide des moines de la collégiale de Sallanches, dont ils dépendent :  » Nous Jean Deffoug, chanoine ouvrier de l’insigne collégiale de Saint-Jacques de Sallanches, certifions avoir fait faire diverses processions pour faire des bénédictions sur les glaciers, sur les prières qui nous en ont été faites par les communiers dudit Chamonix qui se doutent qu’il n’y ait des esprits aux dits glaciers, lesquels avançant par succession de temps contre les terres ont gâté des maisons et plusieurs possessions« .

En 1643, les Chamoniards montent en procession au glacier des Bois qui vient de détruire le hameau du Châtelard. L’année suivante, le 29 mai 1644, l’évêque de Genève Charles-Auguste de Sales, qui avait été alarmé par deux Chamoniards, organise en juin 1644 une procession d’environ 300 personnes. Après la bénédiction du glacier, la menace s’est semble-t-il éloignée peu à peu, le glacier reculant jusqu’en 1663 (Mougin, 1912).

Localisation du Châtelard et de Bonanay

Un travail d’observation menée durant l’été 2011 a tenté de localiser au mieux les hameaux du Châtelard et de Bonanay. En s’appuyant sur les travaux antérieurs (Mougin, 1912 ; Rabot, 1920 ; Le Roy Ladurie, 1967) et sur des levées de terrain, les positions des villages détruits peuvent-être avancées :

Le village du Châtelard (du latin « castellare, castellarium ») dont la toponymie évoque un lieu retranché, perché sur une colline, se situait à l’extrémité sud de la Côte du Piget (entre les cotes 1085 m et 1160 m). Quant au hameau de Bonanay, il s’étirait à l’intérieur des cordons morainiques (Nord) limitant le lobe des Tines (entre les cotes 1085 m et 1160 m (voir carte géomorphologique). En bordure externe de la moraine (entre les cotes 1100 m et 1160 m) quelques replats et murets sont encore visibles malgré l’abondance de la couverture végétale.

Les moraines latérales de 1644, très bien préservées vers les Tines, sont localement soulignées par la présence d’un des plus gros blocs erratiques de la région : la Pierre de l’Isbolly (Forbes, 1842 ; pierre n°2 d’Alphonse Favre) qui marque la bordure de la langue glaciaire. Il n’en est pas de même au village des Bois, la seule ride morainique frontale préservée correspondrait à un large replat situé 50 m en aval du bloc de 1825 .

Les données géomorphologiques croisées avec les archives locales confirment que la crue de 1643 – 1644 correspond à la plus grande extension de la mer de Glace durant l’Holocène. En effet, les villages du Châtelard et de Bonanay qui existaient déjà lors de la première grande crue du XIVe siècle ne semblent pas avoir subi un débordement du glacier des Bois.

    

                                                   

La fin du Petit Âge Glaciaire

Après les épisodes dramatiques du XVIIe siècle, un important recul du front du glacier des Bois est confirmé par le cadastre sarde (réalisé entre 1728 et 1738) jusque dans les années 1760. Après cette date, la mer de Glace est de nouveau en crue ; l’extension paroxysmale est atteinte entre 1822 et 1825. L’avancée du glacier des Bois est bien matérialisée par des moraines frontales du village éponyme. Le célèbre bloc erratique sur lequel la date de 1825 est gravée marque la position extrême du glacier.

Lithographie représentant le glacier des Bois en 1822 par Dubois.
Lithographie représentant le glacier des Bois en 1822 par Dubois.

Un lent recul du glacier va débuter. Mais à partir de 1840, le glacier des Bois progresse à nouveau ; il atteint une nouvelle position extrême en 1852. Selon Joseph Vallot :  » Vers 1850-1851, la Mer de Glace arrivait environ à 50 mètres du village des Bois… Le glacier remplissait la moraine du Piget jusqu’en haut et il jetait des blocs au milieu de cette côte, du côté des Tines. En somme, en 1855, le glacier remplissait presque complètement ses moraines et était presque aussi long et élevé qu’en 1825 « . C’est à partir de 1870 qu’intervient le grand recul du glacier des Bois, la glace se retire dans la gorge de l’Arveyron et disparaît aux yeux des Chamoniards après 1900).

Le glacier des Bois a disparu dès la fin du XIXe siècle. Ce glacier, avec son célèbre « portail » qui tenait lieu de source à l’Arveyron (2 m3 à l’étiage, 40 m3 en grandes eaux), fascina tous les visiteurs, peintres et photographes.

À la fin du XIXe siècle, selon Le Roy Ladurie, « la Mer de Glace, rabougrie, se terminait par une simple langue étiolée, étroite, rampant sur le roc des Mottets ». Paul Payot rapporte qu’elle n’était plus visible depuis 1873, mais un cliché photographique de M. Couttet, reproduit dans les Études glaciologiques de 1912, montre qu’en 1881 le glacier transgresse encore de façon très marquée le verrou constitué par les rochers des Mottets. En 1900, d’après un cliché de Georges Tairraz, le glacier est encore visible bien que l’on assiste déjà aux premières manifestations de son encaissement dans la gorge du Chapeau.

Après une  courte crue en 1890, la langue glaciaire perd plus de 800 mètres en une quinzaine d’années (Mougin, 1912). Ce recul, stoppé par la crue de 1920, se réenclenchera lors des années chaudes et sèches de la période 1940-1960

 

La langue terminale de la Mer de Glace confinée dans la gorge de l’Arveyron vers 1900.
La langue terminale de la Mer de Glace confinée dans la gorge de l’Arveyron vers 1900.

 

La Mer de Glace a perdu au total 2,6 km de longueur depuis son maximum d’extension de 1851, époque où le glacier des Bois atteignait le village éponyme. Cette récession se traduit aussi par une perte d’épaisseur de 190 m en cent cinquante ans sous la gare du Montenvers. Malgré tout, cette décrue a été interrompue par quelques avancées au XXe siècle, notamment entre 1970 et 1993. Depuis 1990 le recul du glacier n’a fait que s’accélérer (750 m entre 1990 et 2016 et une perte d’épaisseur de 75 m sous la gare du Montenvers). Un premier lac est apparu en 1998 à l’intérieur des moraines déposées par le glacier en 1993, puis, le glacier se retirant encore, un deuxième lac s’est formé en 2001 : le contact de l’eau avec la glace a accéléré encore le recul du glacier.

Aujourd’hui, la situation de la Mer de glace est proche l’étiage de la période médiévale, mais au rythme du retrait,  l’état du glacier de l’âge du Bronze ou de la période romaine sera bientôt atteint !

Trois coupes transversales du glacier (LGGE, 2010)
Trois coupes transversales du glacier (LGGE, 2010)

Quel futur pour la Mer de Glace (par Christian Vincent du LGGE) ?

Le LGGE a réalisé en 2008 une étude pour EDF sur l’évolution de la langue de la Mer de Glace au cours des vingt prochaines années. Cette étude avait pour but de choisir la nouvelle implantation du captage de l’eau sous-glaciaire afin qu’il perdure plusieurs décennies. Cette étude a été faite sur la base des nombreuses observations collectées depuis 1960 et au moyen de calculs numériques simulant le comportement du glacier dans le temps. Ces outils permettent de calculer les variations d’épaisseur et de longueur en fonction des conditions climatiques. Les simulations de fluctuations de langue de la Mer de Glace obtenues pour les vingt prochaines années dépendent des scénarios retenus pour les bilans de masse de surface. Deux scénarios extrêmes ont été choisis: l’un dit optimiste suppose que les bilans de masse de surface seront identiques à ceux des deux dernières décennies ; l’autre, dit pessimiste, suppose que les bilans de masse de surface seront inférieurs de 1 mètre d’équivalent eau par rapport aux bilans observés au cours des vingt dernières années (ce qui suppose un réchauffement moyen estival d’environ 0.6 °C par rapport à la période 1980-2009). Selon ces deux scénarios, le glacier devrait reculer dans une ‘fourchette’ de 550 m à 1000 m par rapport à la position du front de 2009, pour se situer en 2030 à 770 m (± 220 m) à l’amont de celui-ci – et à proximité de l’emplacement actuel de la grotte de la Mer de Glace. En outre, d’autres calculs et simulations montrent que, à moins d’un refroidissement marqué du climat, le glacier de la Mer de Glace a entamé un recul durable, qui devrait se poursuivre bien au-delà de 2030.

 

Depuis 1988, le retrait de 750 m de la langue glaciaire à libéré des lacs proglaciaires © Pascal Tournaire
Depuis 1988, le retrait de 750 m de la langue glaciaire à libéré des lacs proglaciaires © Pascal Tournaire

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